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Isidore Ducasse, conte de Lautréamont

Isidore Ducasse, conte de Lautréamont

Lautréamont.

Lautréamont

Cântul I[]

Strofa 1[]

Chant premier

Plût au ciel que le lecteur, enhardi et devenu momentanément féroce comme ce qu'il lit, trouve, sans se désorienter, son chemin abrupt et sauvage, à travers les marécages désolés de ces pages sombres et pleines de poison; car, à moins qu'il n'apporte dans sa lecture une logique rigoureuse et une tension d'esprit égale au moins à sa défiance, les émanations mortelles de ce livre imbiberont son âme comme l'eau le sucre.

Stanza 1: The Reader Forewarned

God grant that the reader, emboldened and having become at present as fierce as what he is reading, find, without loss of bearings, his way, his wild and treacherous passage through the desolate swamps of these sombre, poison-soaked pages; for, unless he should bring to his reading a rigorous logic and a sustained mental effort at least as strong as his distrust, the lethal fumes of this book shall dissolve his soul as water does sugar.

Il n'est pas bon que tout le monde lise les pages qui vont suivre; quelques-uns seuls savoureront ce fruit amer sans danger. Par conséquent, âme timide, avant de pénétrer plus loin dans de pareilles landes inexplorées, dirige tes talons en arrière et non en avant. Écoute bien ce que je te dis: dirige tes talons en arrière et non en avant, comme les yeux d'un fils qui se détourne respectueusement de la contemplation auguste de la face maternelle; ou, plutôt, comme un angle à perte de vue de grues frileuses méditant beaucoup, qui, pendant l'hiver, vole puissamment à travers le silence, toutes voiles tendues, vers un point déterminé de l'horizon, d'où tout à coup part un vent étrange et fort, précurseur de la tempête.

It is not right that everyone read the pages that follow: a sole few will savour this bitter fruit without danger. As a result, wavering soul, before penetrating further into such uncharted barrens, draw back, step no deeper. Mark my words: draw back, step no deeper, like the eyes of a son respectfully flinching away from his mother's august contemplation, or rather, like an acute angle formation of cold-sensitive cranes stretching beyond the eye can reach, soaring through the winter silence in deep meditation, under tight sail towards a focal point on the horizon, from where there suddenly rises a peculiar gust of wind, omen of a storm.

La grue la plus vieille et qui forme à elle seule l'avant-garde, voyant cela, branle la tête comme une personne raisonnable, conséquemment son bec aussi qu'elle fait claquer, et n'est pas contente (moi, non plus, je ne le serais pas à sa place), tandis que son vieux cou, dégarni de plumes et contemporain de trois générations de grues, se remue en ondulations irritées qui présagent l'orage qui s'approche de plus en plus. Après avoir de sang-froid regardé plusieurs fois de tous les côtés avec des yeux qui renferment l'expérience, prudemment, la première (car, c'est elle qui a le privilège de montrer les plumes de sa queue aux autres grues inférieures en intelligence), avec son cri vigilant de mélancolique sentinelle, pour repousser l'ennemi commun, elle vire avec flexibilité la pointe de la figure géométrique (c'est peut-être un triangle, mais on ne voit pas le troisième côté que forment dans l'espace ces curieux oiseaux de passage), soit à bâbord, soit à tribord, comme un habile capitaine; et, manoeuvrant avec des ailes qui ne paraissent pas plus grandes que celles d'un moineau, parce qu'elle n'est pas bête, elle prend ainsi un autre chemin philosophique et plus sûr.

The oldest crane, alone at the forefront, on seeing this, shakes his head like a rational person and consequently his beak too, which he clicks, as he is uneasy (and so would I be, in his shoes); whilst his old, feather-stripped neck, contemporary of three generations of cranes, sways in irritated undulations that foreshadow the oncoming thunderstorm. After looking with composure several times in every direction with eyes that bespeak experience, the first crane (for he is the privileged one to show his tail feathers to the other, intellectually inferior cranes) vigilantly cries out like a melancholy sentinel driving back the common enemy, and then carefully steers the nose of the geometric figure (it would be a triangle, but the third side, formed in space by these curious avian wayfarers, is invisible), be it to port, or to starboard, like a skilful captain; and, manoeuvring with wings that seem no larger than those of a sparrow, he thus adopts, since he is no dumb creature, a different and safer philosophical course.

Strofa 6[]

On doit laisser pousser ses ongles pendant quinze jours. Oh! Comme il est doux d'arracher brutalement de son lit un enfant qui n'a rien encore sur la lèvre supérieure, et, avec les yeux très ouverts, de faire semblant de passer suavement la main sur son front, en inclinant en arrière ses beaux cheveux! Puis, tout à coup, au moment où il s'y attend le moins, d'enfoncer les ongles longs dans sa poitrine molle, de façon qu'il ne meure pas; car, s'il mourait, on n'aurait pas plus tard l'aspect de ses misères. Ensuite, on boit le sang en léchant les blessures; et, pendant ce temps, qui devrait durer autant que l'éternité dure, l'enfant pleure. Rien n'est si bon que son sang, extrait comme je viens de le dire, et tout chaud encore, si ce ne sont ses larmes, amères comme le sel. Homme, n'as-tu jamais goûté de ton sang, quand par hasard tu t'es coupé le doigt? Comme il est bon, n'est-ce pas; car, il n'a aucun goût. En outre, ne te souviens-tu pas d'avoir un jour, dans tes réflexions lugubres, porté la main, creusée au fond, sur ta figure maladive mouillée par ce qui tombait des yeux; laquelle main ensuite se dirigeait fatalement vers la bouche, qui puisait à longs traits, dans cette coupe, tremblante comme les dents de l'élève qui regarde obliquement celui qui est né pour l'oppresser, les larmes? Comme elles sont bonnes, n'est-ce pas; car, elles ont le goût du vinaigre. On dirait les larmes de celle qui aime le plus; mais, les larmes de l'enfant sont meilleures au palais. Lui, ne trahit pas, ne connaissant pas encore le mal: celle qui aime le plus trahit tôt ou tard... je le devine par analogie, quoique j'ignore ce que c'est que l'amitié, que l'amour (il est probable que je ne les accepterai jamais; du moins, de la part de la race humaine). Donc, puisque ton sang et tes larmes ne te dégoûtent pas, nourris-toi, nourris-toi avec confiance des larmes et du sang de l'adolescent. Bande-lui les yeux, pendant que tu déchireras ses chairs palpitantes; et, après avoir entendu de longues heures ses cris sublimes, semblables aux râles perçants que poussent dans une bataille les gosiers des blessés agonisants, alors, t'ayant écarté comme une avalanche, tu te précipiterais de la chambre voisine, et tu feras semblant d'arriver à son secours. Tu lui délieras les mains, aux nerfs et aux veines gonflées, tu rendras ta vue à ses yeux égarés, en te remettant à lécher ses larmes et son sang. Comme alors le repentir est vrai! L'étincelle divine qui est en nous, et paraît si rarement, se montre; trop tard! Comme le coeur déborde de pouvoir consoler l'innocent à qui l'on a fait du mal: "Adolescent, qui venez de souffrir des douleurs cruelles, qui donc a pu commettre sur vous un crime que je ne sais de quel nom qualifier! Malheureux que vous êtes! Comme vous devez souffrir! Et si votre mère savait cela, elle ne serait pas plus près de la mort, si abhorrée par les coupables, que je ne le suis maintenant. Hélas! qu'est-ce donc que le bien et le mal! Est-ce une même chose par laquelle nous témoignons avec rage notre impuissance, et la passion d'atteindre à l'infini par les moyens même les plus insensés? Ou bien, sont-ce deux choses différentes? Oui... que ce soit plutôt une même chose... car, sinon, que deviendrai-je au jour du jugement! Adolescent, pardonne-moi; c'est celui qui est devant ta figure noble et sacrée, qui a brisé tes os et déchiré tes chairs qui pendent à différents endroits de ton corps. Est-ce un délire de ma raison malade, est-ce ton instinct secret qui ne dépend pas de mes raisonnements, pareil à celui de l'aigle déchirant sa proie, qui m'a poussé à commettre ce crime; et pourtant, autant que ma victime, je souffrais! Adolescent, pardonne-moi. Une fois sortis de cette vie passagère, je veux que nous soyons entrelacés pendant l'éternité; ne former qu'un seul être, ma bouche collée à ta bouche. Même, de cette manière, ma punition ne sera pas complète. Alors, tu me déchireras, sans jamais t'arrêter, avec les dents et les ongles à la fois. Je parerai mon corps de guirlandes embaumées, pour cet holocauste expiatoire; et nous souffrirons tous les deux, moi, d'être déchiré, toi, de me déchirer... ma bouche collée à ta bouche. O adolescent, aux cheveux blonds, aux yeux si doux, feras-tu maintenant ce que je te conseille? Malgré toi, je veux que tu le fasses, et tu rendras heureuse ma conscience." Après avoir parlé ainsi, en même temps tu auras fait le mal à un être humain, et tu seras aimé du même être: c'est le bonheur le plus grand que l'on puisse concevoir. Plus tard, tu pourras le mettre à l'hôpital; car, le perclus ne pourra pas gagner sa vie. On t'appellera bon, et couronnes de laurier et les médailles d'or cacheront tes pieds nus, épars sur la grande tombe, à la figure vieille. O toi, dont je ne veux pas écrire le nom sur cette page qui consacre la sainteté du crime, je sais que ton pardon fut immense comme l'univers. Mais, moi, j'existe encore!

Stanza 6: The Nails (The Reader as an Accomplice)

One should let one's nails grow for a fortnight. Oh! How sweet it is to brutally snatch from his bed a child with no hair yet on his upper lip, and, with eyes wide open, to pretend to suavely stroke his forehead, brushing back his beautiful locks! Then, suddenly, at the moment when he least expects it, to sink one's long nails into his tender breast, being careful, though, not to kill him; for if he died, there would be no later viewing of his misery. Then, one drinks the blood, licking the wounds; and, during the entire procedure, which ought to last no shorter than an aeon, the boy cries. Nothing could be better than his blood, warm and just freshly squeezed out as I have described, if it weren't for his tears, bitter as salt. Mortal one, haven't you ever tasted your blood, when by chance you cut your finger? Tasty, isn't it? For it has no taste. Besides, can you not recall one day, absorbed in your dismal thoughts, having lifted your deeply cupped palm to your sickly face, drenched by the downpour from your eyes; the said hand then making its fatal way to your mouth, which, from this vessel chattering like the teeth of the schoolboy who glances sidelong at the one born to oppress him, sucked the tears in long draughts? Tasty, aren't they? For they taste of vinegar. A taste reminiscent of the tears of your true love, except a child's tears are so much more pleasing to the palate. He is incapable of deceit, for he does not yet know evil: but the most loving of women is bound to betray sooner or later... This I deduce by analogy, despite my ignorance of what friendship means, what love means (I doubt I will ever accept either of these, at least not from the human race). So, since your blood and tears do not disgust you, go ahead, feed confidently on the adolescent's tears and blood. Blindfold him, while you tear open his quivering flesh; and, after listening to his resplendent squeals for a good few hours, similar to those hoarse shrieks of death one hears from the throats of the mortally wounded on battlefields, you then, running out faster than an avalanche, fly back in from the room next door, pretending to rush to his rescue. You untie his hands, with their swollen nerves and veins, you restore sight to his distraught eyes, as you resume licking his tears and blood. Oh, what a genuine and noble change of heart! That divine spark within us, which so rarely appears, is revealed; too late! How the heart longs to console the innocent one we have harmed. "O child, who has just undergone such cruel torture, who could have ever committed such an unspeakable crime upon you! You poor soul! The agony you must be going through! And if your mother were to know of this, she would be no closer to death, so feared by evildoers, than I am now. Alas! What, then, are good and evil? Might they be one and the same thing, by which in our furious rage we attest our impotence and our passionate thirst to attain the infinite by even the maddest means? Or might they be two separate things? Yes... they'd better be one and the same... for, if not, what shall become of me on the Day of Judgment? Forgive me, child. Here before your noble and sacred eyes stands the man who crushed your bones and tore off the strips of flesh dangling from various parts of your body. Was it a frenzied inspiration of my delirious mind, was it a deep inner instinct independent of my reason, such as that of the eagle tearing at its prey, that drove me to commit this crime? And yet, as much as my victim, I suffered! Forgive me, child. Once we are freed from this transient life, I want us to be entwined for evermore, becoming but one being, my mouth fused to your mouth. But even so, my punishment will not be complete. So you will tear at me, without ever stopping, with your teeth and nails at the same time. I will adorn and embalm my body with perfumes and garlands for this expiatory holocaust; and together we shall suffer, I from being torn, you from tearing me... my mouth fused to yours. O blond-haired child, with your eyes so gentle, will you now do what I advise you? Despite yourself, I wish you to do it, and you will set my conscience at rest." And in saying this, you will have wronged a human being and be loved by that same being: therein lies the greatest conceivable happiness. Later, you could take him to the hospital, for the crippled boy will be in no condition to earn a living. They will proclaim you a hero, and centuries from now, laurel crowns and gold medals will cover your bare feet on your ancient iconic tomb. O you, whose name I will not inscribe upon this page consecrated to the sanctity of crime, I know your forgiveness was as boundless as the universe. But look, I'm still here!

Cântul al II-lea[]

Strofa 13[]

Je cherchais une âme qui me ressemblât, et je ne pouvais pas la trouver. Je fouillais tous les recoins de la terre; ma persévérance était inutile. Cependant, je ne pouvais pas rester seul. Il fallait quelqu'un qui approuvât mon caractère; il fallait quelqu'un qui eût les mêmes idées que moi. C'était le matin; le soleil se leva à l'horizon, dans toute sa magnificence, et voilà qu'à mes yeux se lève aussi un jeune homme, dont la présence engendrait les fleurs sur son passage. Il s'approcha de moi, et, me tendant la main: "Je suis venu vers toi, toi, qui me cherches. Bénissons ce jour heureux." Mais, moi: "Va-t'en; je ne t'ai pas appelé: je n'ai pas besoin de ton amitié..." C'était le soir; la nuit commençait à étendre la noirceur de son voile sur la nature. Une belle femme, que je ne faisais que distinguer, étendait aussi sur moi son influence enchanteresse, et me regardait avec compassion; cependant, elle n'osait me parler. Je dis: "Approche-toi de moi, afin que je distingue nettement les traits de ton visage; car, la lumière des étoiles n'est pas assez forte, pour les éclairer à cette distance." Alors, avec une démarche modeste, et les yeux baissés, elle foula l'herbe du gazon, en se dirigeant de mon côté. Dès que je la vis: "Je vois que la bonté et la justice ont fait résidence dans ton coeur: nous ne pourrions pas vivre ensemble. Maintenant, tu admires ma beauté, qui bouleversé plus d'une; mais, tôt ou tard, tu te repentirais de m'avoir consacré ton amour; car, tu ne connais pas mon âme. Non que je te sois jamais infidèle: celle qui se livre à moi avec tant d'abandon et de confiance, avec autant de confiance et d'abandon, je me livre à elle; mais, mets-le dans ta tête, pour ne jamais l'oublier: les loups et les agneaux ne se regardent pas avec des yeux doux." Que me fallait-il donc, à moi, qui rejetais, avec tant de dégoût, ce qu'il y avait de plus beau dans l'humanité! ce qu'il me fallait, je n'aurais pas su le dire. Je n'étais pas encore habitué à me rendre un compte rigoureux des phénomènes de mon esprit, au moyen des méthodes que recommande la philosophie. Un navire venait de mettre toutes voiles pour s'éloigner de ce parage: un point imperceptible venait de paraître à l'horizon, et s'approchait peu à peu, poussé par la rafale, en grandissant avec rapidité. La tempête allait commencer ses attaques, et déjà le ciel s'obscurcissait, en devenant d'un noir presque aussi hideux que le coeur de l'homme. Le navire, qui était un grand vaisseau de guerre, venait de jeter toutes ses ancres, pour ne pas être balayé sur les rochers de la côte. Le vent sifflait avec fureur des quatre points cardinaux, et mettait les voiles en charpie. Les coups de tonnerre éclataient au milieu des éclairs, et ne pouvaient surpasser le bruit des lamentations qui s'entendaient sur la maison sans bases, sépulcre mouvant. Le roulis de ces masses aqueuses n'était pas parvenu à rompre les chaînes des ancres; mais, leurs secousses avaient entr'ouvert une voie d'eau, sur les flancs du navire. Brèche énorme; car, les pompes ne suffisent pas à rejeter les paquets d'eau salée qui viennent, en écumant, s'abattre sur le pont, comme des montagnes. Le navire en détresse tire des coups de canon d'alarme; mais, il sombre avec lenteur... avec majesté. Celui qui n'a pas vu un vaisseau sombrer au milieu de l'ouragan, de l'intermittence des éclairs et de l'obscurité la plus profonde, pendant que ceux qu'il contient sont accablés de ce désespoir que vous savez, celui-là ne connaît pas les accidents de la vie. Enfin, il s'échappe un cri universel de douleur d'entre les flancs du vaisseau, tandis que la mer redouble ses attaques redoutables. C'est le cri qu'a fait pousser l'abandon des forces humaines. Chacun s'enveloppe dans le manteau de la résignation, et remet son sort entre les mains de Dieu. On s'accule comme un troupeau de moutons. Le navire en détresse tire des coups de canon d'alarme; mais, il sombre avec lenteur... avec majesté. Ils ont fait jouer les pompes pendant tout le jour. Efforts inutiles. La nuit est venue, épaisse, implacable, pour mettre le comble à ce spectacle gracieux. Chacun se dit qu'une fois dans l'eau, il ne pourra plus respirer; car, d'aussi loin qu'il fait revenir sa mémoire, il ne se reconnaît aucun poisson pour ancêtre; mais, il s'exhorte à retenir son souffle le plus longtemps possible, afin de prolonger sa vie de deux ou trois secondes; c'est là l'ironie vengeresse qu'il veut adresser à la mort... Le navire en détresse tire des coups de canon d'alarme; mais, il sombre avec lenteur... avec majesté. Il ne sait pas que le vaisseau, en s'enfonçant, occasionne une puissante circonvolution des houles autour d'elles-mêmes; que ce limon bourbeux s'est mêlé aux eaux troublées, et qu'une force qui vient de dessous, contre-coup de la tempête qui exerce ses ravages en haut, imprime à l'élément des mouvements saccadés et nerveux. Ainsi, malgré la provision de sang-froid qu'il ramasse d'avance, le futur noyé, après réflexion plus ample, devra se sentir heureux, s'il prolonge sa vie, dans les tourbillons de l'abîme, de la moitié d'une respiration ordinaire, afin de faire bonne mesure. Il lui sera donc impossible de narguer la mort, son suprême voeu. Le navire en détresse tire des coups de canon d'alarme; mais, il sombre avec lenteur...avec majesté. C'est une erreur. Il ne tire plus des coups de canon, il ne sombre pas. La coquille de noix s'est engouffrée complètement. O ciel! comment peut-on vivre, après avoir éprouvé tant de voluptés! Il venait de m'être donné d'être témoin des agonies de mort de plusieurs de mes semblables. Minute par minute, je suivais les péripéties de leurs angoisses. Tantôt, le beuglement de quelque vieille, devenue folle de peur, faisait prime sur le marché. Tantôt, le seul glapissement d'un enfant en mamelles empêchait d'entendre le commandement des manoeuvres. Le vaisseau était trop loin pour percevoir distinctement les gémissements que m'apportait la rafale; mais, je les rapprochais par la volonté, et l'illusion d'optique était complète. Chaque quart d'heure, quand un coup de vent, plus fort que les autres, rendant ses accents lugubres à travers le cri des pétrels effarés, disloquait le navire dans un craquement longitudinal, et augmentait les plaintes de ceux qui allaient être offerts en holocauste à la mort, je m'enfonçais dans la joue la pointe aiguë d'un fer, et je pensais secrètement: "Ils souffrent davantage!" J'avais, au moins, ainsi, un terme de comparaison. Du rivage, je les apostrophais, en leur lançant des imprécations et des menaces. Il me semble qu'ils devaient m'entendre! Il me semblait que ma haine et mes paroles, franchissant la distance, anéantissaient les lois physiques du son, et parvenaient, distinctes, à leurs oreilles, assourdies par les mugissements de l'océan en courroux! Il me semblait qu'ils devaient penser à moi, et exhaler leur vengeance en impuissante rage! De temps à autre, je jetais les yeux vers les cités, endormies sur la terre ferme; et, voyant que personne ne se doutait qu'un vaisseau allait sombrer, à quelques milles du rivage, avec une couronne d'oiseaux de proie, je reprenais courage, et l'espérance me revenait: j'étais donc sûr de leur perte! Ils ne pouvaient échapper! Par surcroît de précaution, j'avais été chercher mon fusil à deux coups, afin que, si quelque naufragé était tenté d'aborder les rochers à la nage, pour échapper à une mort imminente, une balle sur l'épaule lui fracassât le bras, et l'empêchait d'accomplir son dessein. Au moment le plus furieux de la tempête, je vis, surnageant sur les eaux, avec des efforts désespérés, une tête énergique, aux cheveux hérissés. Il avalait des litres d'eau, et s'enfonçait dans l'abîme, ballotté comme un liège. Mais, bientôt, il apparaissait de nouveau, les cheveux ruisselants; et, fixant l'oeil sur le rivage, il semblait défier la mort. Il était admirable de sang-froid. Une large blessure sanglante, occasionnée par quelque pointe d'écueil caché, balafrait son visage intrépide et noble. Il ne devait pas avoir plus de seize ans; car, à peine, à travers les éclairs qui illuminaient la nuit, le duvet de la pêche s'apercevait sur sa lèvre. Et, maintenant, il n'était plus qu'à deux cents mètres de la falaise; et je le dévisageais facilement. Quel courage! Quel esprit indomptable! Comme la fixité de sa tête semblait narguer le destin, tout en fendant avec vigueur l'onde, dont les sillons s'ouvraient difficilement devant lui!...Je l'avais décidé d'avance. Je me devais à moi-même de tenir ma promesse: l'heure dernière avait sonné pour tous, aucun ne devait en échapper. Voilà ma résolution; rien ne la changerait... Un son sec s'entendit, et la tête aussitôt s'enfonça, pour ne plus reparaître. Je ne pris pas à ce meurtre autant de plaisir qu'on pourrait le croire; et, c'était, précisément, parce que j'étais rassasié de toujours tuer, que je le faisais dorénavant par simple habitude, dont on ne peut se passer, mais, qui ne procure qu'une jouissance légère. Le sens est émoussé, endurci. Quelle volupté ressentir à la mort de cet être humain, quand il y en avait plus d'une centaine, qui allaient s'offrir à moi, en spectacle, dans leur lute dernière contre les flots, une fois le navire submergé? À cette mort, je n'avais même pas l'attrait du danger; car, la justice humaine, bercée par l'ouragan de cette nuit affreuse, sommeillait dans les maisons, à quelques pas de moi. Aujourd'hui que les années pèsent sur mon corps, je le dis avec sincérité, comme une vérité suprême et solennelle: je n'étais pas aussi cruel qu'on l'a raconté ensuite, parmi les hommes; mais, des fois, leur méchanceté exerçait ses ravages persévérants pendant des années entières. Alors, je ne connaissais plus de borne à ma fureur; il me prenait des accès de cruauté, et je devenais terrible pour celui qui s'approchait de mes yeux hagards, si toutefois il appartenait à ma race. Si c'était un cheval ou un chien, je le laissais passer: avez-vous entendu ce que je viens de dire? Malheureusement, la nuit de cette tempête, j'étais dans un de ces accès, ma raison s'était envolée (car, ordinairement, j'étais aussi cruel, mais, plus prudent); et tout ce qui tomberait, cette fois-là, entre mes mains, devait périr; je ne prétends pas m'excuser de mes torts. La faute n'en est pas toute à mes semblables. Je ne fais que constater ce qui est, en attendant le jugement dernier qui me fait gratter la nuque d'avance... Que m'importe le jugement dernier! Ma raison ne s'envole jamais, comme je le disais pour vous tromper. Et, quand je commets un crime, je sais ce que je fais: je ne voulais pas faire autre chose! Debout sur le rocher, pendant que l'ouragan fouettait mes cheveux et mon manteau, j'épiais dans l'extase cette force de la tempête, s'acharnant sur un navire, sous un ciel sans étoiles. Je suivis, dans une attitude triomphante, toutes les péripéties de ce drame, depuis l'instant où le vaisseau jeta ses ancres, jusqu'au moment où il s'engloutit, habit fatal qui entraîna, dans les boyaux de la mer, ceux qui s'en étaient revêtus comme d'un manteau. Mais, l'instant s'approchait, où j'allais, moi-même, me mêler comme acteur à ces scènes de la nature bouleversée. Quand la place où le vaisseau avait soutenu le combat montra clairement que celui-ci avait été passer le reste de ses jours au rez-de-chaussée de la mer, alors, ceux qui avaient été emportés avec les flots reparurent en partie à la surface. Ils se prirent à bras-le-corps, deux par deux, trois par trois; c'était le moyen de ne pas sauver leur vie; car, leurs mouvements devenaient embarrassés, et ils coulaient bas comme des cruches percées... Quelle est l'armée de monstres marins qui fend les flots avec vitesse? Ils sont six; leurs nageoires sont vigoureuses, et s'ouvrent un passage, à travers les vagues soulevées. De tous ces êtres humains, qui remuent les quatre membres dans ce continent peu ferme, les requins ne font bientôt plus qu'une omelette sans oeufs, et se la partagent, selon la loi du plus fort. Le sang se mêle aux eaux, et les eaux se mêlent au sang. Leurs yeux féroces éclairent la scène du carnage... Mais, quel est encore ce tumulte des eaux, là-bas, à l'horizon. On dirait une trombe qui s'approche. Quels coups de rame! J'aperçois ce que c'est. Une énorme femelle de requin vient prendre part au pâté de foie de canard, et manger du bouilli froid. Elle est furieuse, car, elle arrive affamée. Une lutte s'engage entre elle et les requins, pour se disputer les quelques membres palpitants qui flottent par-ci, par là, sans rien dire, sur la surface de crème rouge. À droite, à gauche, elle lance des coups de dents qui engendrent des blessures mortelles. Mais, trois requins vivants l'entourent encore, et elle est obligée de tournée en tous sens, pour déjouer leurs manoeuvres. Avec une émotion croissante, inconnue jusqu'alors, le spectateur, placé sur le rivage, suit cette bataille navale d'un nouveau genre. Il a les yeux fixés sur cette courageuse femelle de requin, aux dents si fortes. Il n'hésite plus, il épaule son fusil, et, avec son adresse habituelle, il loge sa deuxième balle dans l'ouïe d'un des requins, au moment où il se montrait au-dessus d'une vague. Restent deux requins qui n'en témoignent qu'un acharnement plus grand. Du haut du rocher, l'homme à la salive saumâtre, se jette à la mer, et nage vers le tapis agréablement coloré, en tenant à la main ce couteau d'acier qui ne l'abandonne jamais. Désormais, chaque requin a affaire à un ennemi. Il s'avance vers son adversaire fatigué, et, prenant son temps, lui enfonce dans le ventre sa lame aiguë. La citadelle mobile se débarrasse facilement du dernier adversaire... Se trouvent en présence le nageur et la femelle du requin, sauvée par lui. Il se regardèrent entre les yeux pendant quelques minutes; et chacun s'étonna de trouver tant de férocité dans les regards de l'autre. Ils tournent en rond en nageant, ne se perdent pas de vue, et se disent à part soi: "Je me suis trompé jusqu'ici; en voilà un qui est plus méchant." Alors, d'un commun accord, entre deux eaux, ils glissèrent l'un vers l'autre, avec une admiration mutuelle, la femelle de requin écartant l'eau de ses nageoires, Maldoror battant l'onde avec ses bras; et retinrent leur souffle, dans une vénération profonde, chacun désireux de contempler, pour la première fois, son portrait vivant. Arrivés à trois mètres de distance, sans faire aucun effort, ils tombèrent brusquement l'un contre l'autre, comme deux aimants, et s'embrassèrent avec dignité et reconnaissance, dans une étreinte aussi tendre que celle d'un frère ou d'une soeur. Les désirs charnels suivirent de près cette démonstration d'amitié. Deux cuisses nerveuses se collèrent étroitement à la peau visqueuse du monstre, comme deux sangsues; et, les bras et les nageoires entrelacés autour du corps de l'objet aimé qu'ils entouraient avec amour, tandis que leurs gorges et leurs poitrines ne faisaient bientôt plus qu'une masse glauque aux exhalaisons de goémon; au milieu de la tempête qui continuait de sévir; à la lueur des éclairs; ayant pour lit d'hyménée la vague écumeuse, emportés par un courant sous-marin comme dans un berceau, et roulant, sur eux-mêmes, vers les profondeurs inconnues de l'abîme, ils se réunirent dans un accouplement long, chaste et hideux!... Enfin, je venais de trouver quelqu'un qui me ressemblât!... Désormais, je n'étais plus seul dans la vie! Elle avait les mêmes idées que moi!... J'étais en face de mon premier amour!

SECOND CANTO

Stanza 13: The Shipwreck and Sharks (Maldoror's First Love)

I was seeking a soul resembling mine, and I could not find it. I searched throughout the seven seas; my perseverance proved of no use. Yet I could not remain alone. I needed someone who'd approve of my nature; there had to be somebody out there with the same ideas as me. It was morning; the sun rose over the horizon, in all its splendour, and here rises before my eyes a young man as well, whose presence made flowers sprout in his wake. He approached me, and holding out his hand: "I have come to you who seek me. God bless this happy day." But I replied: "Begone! I never summoned you. I don't need your companionship..." It was evening; night was already drawing the darkness of her veil over nature. A beautiful woman, whose form I could barely make out, was also drawing the influence of her enchantment over me. She looked upon me with compassion, however she dared not speak to me. So I said: "Come closer, so I may see your face clearly, for at this distance the starlight is too faint for me to make out its features." Then, modestly, with her eyes lowered, she glided across the lawn's grass, coming to my side. As soon as I saw her: "I see that goodness and justice have found a home in your heart: we could never live together. You are now admiring my beauty, which has overwhelmed many a woman, but sooner or later, you'll regret ever having given your love to me, for you do not know my soul. Not that I would ever be unfaithful to you: to she who bares her heart to me with such abandon and trust, I bare mine back with equal trust and abandon, but get it into your head lest you ever forget it: Wolves and lambs look not on one another with bedroom eyes." So what was I waiting for, I who rejected in such disgust what was most beautiful in humanity! What I was waiting for, I really couldn't tell you. I haven't yet gotten into the habit of keeping a daily record of the phenomena that occur within my psyche, according to the practice recommended by philosophy. I sat on a cliff, by the sea. A ship had just set full sail to escape these waters: a minute speck had just appeared at the horizon, making gradual headway, driven on by gusts, and growing more powerful by the minute. The storm was about to swoop down on us, and already the sky was growing dark, overcast in a black almost as hideous as the human heart. The vessel, which was a great warship, had just cast all her anchors, in fear of being swept against the rocky coast. The wind roared with rage from all four points of the compass, tearing the sails to shreds. Crashes of thunder burst out amid flashes of lightning and could not drown out the sound of wailing to be heard from this house with no foundations, this teetering sepulcher. The rolling of these aqueous masses had not yet managed to shatter the anchor's chains, however their buffeting had opened up a way into the ship's ribs: a gaping breach, for the pumps could no longer bail out the masses of salt water beating down on the bridge like mountains of foam. The ship in distress fires her cannons to sound the alarm; but she sinks, slowly... majestically. He who has never watched a ship sinking in the midst of a storm, with intermittent flashes of lightning between the deepest periods of darkness, while those on board are overwhelmed with that despair you know so well, knows nothing of life's ups and downs. Finally, a universal shriek of utter distress bursts from within the bowels of the ship, whilst the sea intensifies her fearsome onslaughts. It is that cry one hears when the limits of human capacity give in: we wrap ourselves up in the cloak of despair and leave our fate in the hands of God. We flock together like cornered sheep. The ship in distress fires her cannons to sound the alarm; but she sinks, slowly... majestically. They've had the pumps running all day now. Futile efforts. Night has come, pitch-black and merciless, bringing the delightful show to its climax. Each soul onboard realizes that, once in the water, he won't be able to breathe, for, as far back as he can remember, he knows of no fish in his family tree; nevertheless he struggles to hold his breath for as long as possible, if only to prolong his life for another two or three seconds: that is the vengeful irony he aims at death... The ship in distress fires her cannons to sound the alarm; but she sinks, slowly... majestically. He doesn't know that the ship, as it goes under, sets the ocean swells twisting and turning in a powerful circular motion, stirring up the benthonic mires into the turbid waters, and that a force from below, in counterattack to the tempest wreaking havoc above, drives the element to violent, jolting motions. Thus, despite the stores of courage he mustered in advance, the drowned-to-be, on second thought, ought to be delighted if he can prolong his life, swirling in the vortices of the abyss, even by the space of half a normal breath, for good measure. He will fail in his supreme desire to cheat death. The ship in distress fires her cannons to sound the alarm; but she sinks, slowly... majestically. No wait, there's been a mistake. She's no longer firing, she's no longer sinking. The cockleshell is now completely engulfed! Good heavens! How could I continue to live, after experiencing such exquisite pleasures! I had just been granted the chance to witness the death agonies of many a fellow man. Minute by minute, I followed the episodes of their anguish. Now, the feature presentation was the bellowing of some old lady, brought to hysterics by fear. Now, the squeals of a suckling infant were drowning out the nautical orders. The ship was too distant for me to clearly perceive the groans brought on by blasts of wind, but through sheer willpower I zoomed in on it, and the optical illusion was complete. Every quarter of an hour, when a particularly stronger gust of wind, sounding its gloomy tones amid the cries of the terrified storm petrels, would break open the ship in another lengthwise crack, increasing the laments of those about to be offered as sacrifices to death, I would dig a sharp metal point deeper into my cheek and secretly think: "They are suffering still more!" At least this gave me grounds for comparison. From the shore, I shouted at them, hurling violent curses and threats. I felt that they could hear me! I could feel that my hatred and raving, soaring over the distances, were breaking the physical laws of sound and falling loud and clear onto their ears, deafened by the wrathful ocean's roars! I felt they ought to be thinking of me, unleashing their vengeance in impotent rage! Every now and then I would cast a glance up at the cities, sounds asleep on dry land, and seeing that nobody suspected a ship to be sinking a few miles from the shore, with birds of prey for a crown and empty-bellied creatures of the deep for a pedestal, I took courage, and regained hope: I could now be sure of their demise! There was no escape! Through an excess of precaution, I had gone fetch my double-barrelled shotgun, so that, should some survivor be tempted to swim up to the rocks to escape impending death, a bullet in the shoulder would shatter his arm, thus thwarting his plan. Just when the tempest was at its fiercest, I saw, at the surface, desperately struggling to keep afloat, a frenetic head, with hair standing on end. He was swallowing gallons of water and was tossed back into the briny deep, bobbing like a piece of cork. But in no time he surfaced again, mane dripping wet, and, eyes focused on the shore, he seemed to defy death. What admirable composure! On his brave and noble face, he bore a deep and gory wound, gashed open by the jagged point of some hidden reef. He must have been sixteen at the oldest, for you could just barely see, by the lightning flashes that lit up the night, the peach fuzz on his lip. And now he was no more than two hundred yards from the cliff, and I was getting a clear view of him. What courage! What indomitable spirit! How his steady head seemed to flout at fate, as he vigorously cleaved through the waves, prying open the grooves before him with effort!... I had made up my mind beforehand. I owed it to myself to keep my promise: the final hour had tolled for all; there could be no exceptions. That was my resolution, and nothing could change it... A sharp blast echoed, and the head sank right under, never to be seen again. From this murder I did not take as much pleasure as you might imagine, and precisely because I had already done more than my share of killing in life, I was doing it now only from sheer habit, so hard to break, and providing only mild enjoyment. Conscience becomes dulled, calloused. What pleasure could I feel at the death of this human being, when more than a hundred were about to present me with the spectacle of their final struggles against the waves, once the ship had been submerged? With this death, not even the thrill of danger aroused me, for human justice, cradled by the night's ghastly storm, was slumbering in the cottages a few steps from me. Now that the years hang heavy on my shoulders, I can speak this supreme and solemn truth with sincerity: I was never as cruel as it was later said among men, however sometimes their persistent spitefulness went on devastating for years on end. There was then no limits to my fury; I was possessed by fits of cruelty: my wild eyes would strike terror in anyone who dared come close enough to see them, provided they be of my race. If it was a horse or a dog, I would let it go by: did you hear what I just said? Unfortunately, on the night of the storm, I was seized by one of my fits of wrath, my reason having abandoned me (for normally I would be just as cruel, only more discreet), and everything falling into my hands on that night had to perish. I am not saying this justifies my misdeeds. My fellow men are not the only ones to blame. I am merely making a statement of fact, as I await the last judgment, which makes me feel my throat constrict in anticipation... What do I care about the last judgment? My reason never abandons me, as I had claimed just to mislead you. And when I commit a murder, I know full well what I am doing: what else would I be wanting to do? Standing on the cliff, as the tempest flailed at my hair and trench coat, I ecstatically watched the full might of the thunderstorm relentlessly hammering at the ship under a starless sky. In a triumphant pose, I followed all the twists and turns of this drama, from the instant the vessel threw her anchors, until the moment she was swallowed up within that final shroud, that cloak which dragged everybody wrapped in it down into the bowels of the sea. But the cue for me to make my entrance in these scenes of nature in tumult was approaching. When the place where the ship had been struggling clearly showed that she had gone spend the rest of her days on the oceanic floor, then, some of those who had been carried off by the waves reappeared on the surface. They seized and grappled each other around the waist, in twos, in threes; this was the way not to save their lives, for their movements became hampered, and they went down like dumbbells... What is this horde of sea monsters ploughing through the waves at top speed? There are six of them, with sturdy fins that cut a passage through the heaving seas. Exercising the privileges of their higher rank on the food chain, the sharks soon make a great eggless omelette of all these wiggling human arms and legs on this far from dry continent. Blood mingles with the waters, and the waters mingle with blood. Their fierce eyes light up the bloodbath... But what is that other tumult of the waves, yonder, on the horizon? It looks like a waterspout coming this way! What strokes! Now I see what it is. An enormous female shark has come to partake of duck liver pâté and to eat cold stew meat. She is furious, for she arrives ravenous. A battle ensues between her and the sharks, to fight over the few palpitating limbs still dumbly floating here and there on the surface of the crimson cream. Left and right she snaps her jaws, delivering many a fatal wound. But three surviving sharks surround her, and she is forced to twist and turn in all directions to outmanoeuvre them. With an increasing emotion unbeknownst until now, the one-man audience follows this new kind of naval battle from his seat at the shore. His gaze is fastened on this courageous female shark, with jaws so mighty. He grits his teeth, raises his rifle, and, skilful as ever, he lodges his second bullet in the gill slit of one of the sharks, just as it rears its head above a wave. Two sharks remain, both showing even greater ferocity. From the top of the rock, the man with the briny saliva flings himself into the sea and swims towards the pleasantly coloured carpet, gripping his trusty steel knife. From now on the sharks each have one enemy to deal with. He closes in on his weary adversary, and, taking his time, buries his sharp blade in its belly. Meanwhile, the nimble-finned citadel easily disposes of the last opponent... Now the swimmer and the female shark saved by him confront each other. For minutes they stare fixedly into each other's eyes. They swim circling, keeping each other in sight, and each thinking: "I was wrong all along. Here is one more evil than I." Then in unison they glided underwater towards each other, in mutual admiration, the female shark slitting open the waves with her fins, Maldoror's arms thrashing the water; and they held their breaths, in deepest reverence, each one anxious to gaze for the first time upon his living image. Effortlessly, at only three yards apart, they suddenly fell upon one another like two magnets, in an embrace of dignity and gratitude, clasping each other tenderly as brother and sister. Carnal desire soon followed this display of affection. Like two leeches, a pair of nervous thighs gripped tightly against the monster's viscous flesh, and arms and fins wrapped around the objects of their desire, surrounding their bodies with love, while their breasts and bellies soon fused into one bluish-green mass reeking of sea-wrack, in the midst of the tempest still raging by the light of lightning; with the foamy waves for a wedding bed, borne on an undersea current as if in a cradle, rolling and rolling down into the bottomless ocean depths, they came together in a long, chaste, and hideous mating!... At last I had found somebody who was like me!... From now on I was no longer alone in life!... Her ideas were the same as mine!... I was face to face with my first love!

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